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L'économie sociale et solidaire, tout le monde y gagne
Coopératives, mutuelles, associations… Les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) concilient utilité sociale et activité économique. À Antony, deux nouvelles entités relèvent ce défi. Plongée dans le quotidien de l'épicerie coopérative et solidaire Ma P’tite Échoppe, et dans celui de la coopérative d'urbanisme temporaire Plateau urbain.
Cabas au sol, panier en main, roulettes du caddie à l’arrêt… Tous sont sur la « ligne de départ ». Dans la fraîcheur de cette matinée du 5 février, une vingtaine de clients patientent devant le 210 rue Adolphe-Pajeaud, au centre commercial de la Bièvre. À 10 h, la grille se lève, laissant apparaître un commerce de proximité à première vue ordinaire. En apparence seulement. Baptisée Ma P’tite Échoppe, cette épicerie coopérative et solidaire est autogérée par des bénévoles adhérents. Ceux-ci ont mis deux ans à peaufiner leur projet. Dans ce travail de fond, ils ont reçu le soutien actif du Secours catholique et de la Mairie qui leur loue ce local de 250 m² occupé auparavant par l’enseigne Bacosol. Les premiers clients pénètrent dans la pièce aménagée tout en longueur et décorée dans des tons jaunes, verts et blancs, couleurs joyeuses associées à l’établissement. Derrière les caisses en bois, les bénévoles mettent en rayon et étiquettent leurs derniers produits. Ici, chacun peut venir faire ses courses. Sauf que les prix varient selon les revenus.
Un système ingénieux et solidaire
Les personnes les plus démunies paient 10 à 30 % de la valeur de leur panier. Le reste est financé par les achats des adhérents solidaires et des subventions du Centre communal d'action sociale (CCAS) ainsi que du Secours catholique. Ces clients dans le besoin ont été reçus au préalable par un travailleur social. Ils ont ensuite été orientés vers Ma P’tite Échoppe, où les bénévoles ont été informés de leur situation. Ils reçoivent alors une carte nominative à présenter lors de leur passage en caisse pour bénéficier automatiquement d’une réduction. Cette aide s’applique en toute discrétion. Seul le caissier sait qui paie quoi. Il a par exemple vu combien Jacques a déboursé. Ce sexagénaire vit au RSA, avec 480 € par mois : « Je percevrai 1 000 € de retraite dans six mois. En attendant, cette échoppe me rend service. » D’autres clients en difficulté paient 50 à 70 % du prix de leurs produits. Cet allégement est possible grâce aux plus aisés : deux personnes payant 100 % leurs emplettes financent la réduction accordée à une autre dont le pouvoir d’achat est moindre.
Lieu d’animations
Dominique fait partie des consommateurs qui s’acquittent du plein tarif. Cette habitante du quartier passe en caisse avec fierté. « Ce principe d’entraide me séduit car je suis sensible à la mixité sociale », indique-t-elle, panier en main, avant d’ajouter : « Les lieux sont accueillants et bien achalandés. » Charcuterie fraîche, packs de lait, chips… Les rayons sont remplis d’articles que l’on retrouve dans les grandes surfaces. Au total, l’épicerie compte plus de 800 références. Certains produits sont soigneusement sélectionnés par les adhérents. Ils sont issus de l’agriculture biologique, de filières courtes, du travail en insertion, ou achetés à des fournisseurs impliqués dans l’ESS. Outre des fruits et légumes bio, des confitures de qualité, Dominique pourra par exemple savourer des œufs produits dans une ferme de Chauffour-lès-Étréchy en Essonne. Ravie, elle apprécie aussi ce lieu car il stimule les échanges Pour comprendre à quoi Dominique fait référence, il faut se rendre au centre du magasin. Dans un espace ouvert, aménagé derrière des cloisons en bois et en verre, les bénévoles sont rassemblés autour de tables placées sous des abat-jour cosy. Ici, l’échoppe prend des allures de centre social moderne. Animés par les adhérents, des ateliers sont mis en place pour favoriser le vivre ensemble. Apprentissage de la cuisine, du chant, du jardinage, de la réparation de vélo, de l’anglais…, tous ces rendez-vous sont annoncés sur le site de l’épicerie.
Urbanisme temporaire
Les protagonistes d’un autre lieu, à Antonypole, ne renieraient pas ce système d’échange des savoirs mis en place à Ma P’tite Échoppe. Un antique baby-foot, de moelleux canapés en cuir, une échelle et un diable à disposition dans un coin : voilà le mobilier de récupération qui accueille les visiteurs franchissant les portes de la Plateforme des acteurs de demain à Antony, surnommée « Pada ». Ou plutôt « Padaf », car les habitués y ajoutent les termes « absolument fabuleux ». Le bureau de Massimo Hulot donne sur cet espace convivial. Il est le référent de ce site ouvert depuis l’été 2018. « Je ne suis ni le concierge, ni le gardien. Je dois être extrêmement polyvalent pour coordonner », prévient-il. Sa mission est à la mesure des dimensions du site ouvert par son employeur, Plateau urbain. Cette coopérative d’urbanisme investit temporairement des lieux vacants pour servir la création. Ici, elle a vu très grand en réhabilitant 18 000 m2 de l’ancien siège d’Universal, situé avenue François-Arago. Autrefois, on y fabriquait des CDs à la chaîne. À l’horizon 2024, le nouveau quartier Antonypole s’y installera. « D’ici là, on souhaite créer un lieu propice à la naissance d’activités de l’économie sociale et solidaire », explique le référent. Pour cela, la coopérative a lancé deux appels à projets (un troisième court jusqu’au 4 mars) et retenu 74 entreprises, artistes, associations… Elle leur fait signer une convention d’occupation temporaire, sans caution ni dépôt de garantie, contre un tarif imbattable de 5 € par m2 comprenant l’eau et l’électricité. « On attend surtout d’eux une adhésion à l’esprit du lieu pour le faire vivre », souligne Massimo Hulot.
Palettes, bulles et déchets
Suivre le pas de Massimo aide à saisir la singularité de la Padaf. Dans un immense hangar aux plafonds constellés de tuyaux de sécurité incendie et de panneaux de chauffage radiants, le référent passe devant des espaces déroutants : ici une société de décors de théâtre, là une autre de conception de meubles en palettes. « On essaie de regrouper les activités de manière à éviter les nuisances sonores. Les ponceuses et les disqueuses sont au rez-de- chaussée, les pinceaux et le calme à l'étage », informe Massimo, devant le matériel d’une entreprise de conception de bulles monumentales pour des événements. Chacun aménage son cocon à sa guise, en respectant les règles élémentaires de sécurité. À l’étage, Rémi Cierco fabrique une cloison. Ce peintre, habitué du Carrousel de l’art et auteur de plusieurs dessins qui ornent les murs de la Padaf, est un peu l’homme à tout faire de cette pièce où sont rassemblés plusieurs artistes. Il a aidé sa voisine, Nuccia, à emménager. « Nous sommes comme une petite famille. Tout le monde s’entraide et chacun met ses compétences au service des autres », confirme-t-elle. Pianiste, professeur de musique et conceptrice sonore, cette Cristolienne a cherché pendant six mois un local. « Ici, je bénéficie d’un loyer à moins de 400 € par mois », se réjouit- elle. Elle loue 75 m2 dans lesquels elle a aménagé une petite scène avec des palettes pour donner ses cours. Un studio d’enregistrement est aussi en construction.
Un esprit communautaire
Parapluies colorés, tapis verts, canapés oranges… La musicienne traverse un espace commun bien chauffé et décoré pour présenter ses voisines : Géraldine et Gaëlle (photo) ont créé leur association de sensibilisation appelée Osez D, pour Oasis solidaire et écologique zéro déchet. Les deux Massicotes enseignent les bonnes pratiques en matière de gestion des déchets dans les entreprises, les familles, les écoles ou centres de loisirs. Elles ont emménagé en novembre pour stocker leur matériel pédagogique dans ces 50 m2, remplis de cartons, d’emballages et de divers objets. « Nous participons à la construction de ce lieu sans être happé par d’autres tâches, comme à la maison », explique Gaëlle. Chaque mois, une réunion a lieu pour organiser la vie en communauté. Un tableau blanc, dans le sas d’entrée de la pièce, en garde les traces. Les groupes de travail et les personnes associées y sont notés. « Déco intérieure », « Signalétique », « Espaces verts »… Gaëlle et Géraldine ont proposé de récupérer du pain pour l’apporter à Nathalie, une brasseuse de la Padaf. « On dégustera tous la bière locale », s’amusent-elles.
Synergies
Les bâtiments du centre d’hébergement d’urgence pour migrants et de la Padaf communiquent entre eux. Massimo Hulot, référent de Plateau urbain, souhaite donc « des synergies entre les deux lieux ». Les demandeurs d’asile et réfugiés sont par exemple très intéressés par le graf. Événements festifs, aménagements paysagers, ateliers culturels…, de nombreux projets de collaboration sont en cours.
Claudia Dodon : un restaurant à l'image du lieu
Le tourne-disque diffuse une mélodie d’Ella Fitzgerald pendant que Claudia Dondon peaufine la mise en page des menus sur son ordinateur. Cette Antonienne prépare l’ouverture de son restaurant, programmée cet été. Situés à côté de l’entrée principale de la Padaf, ses 110 m2 ouverts sur l’extérieur sont probablement un ancien espace de déchargement. « Chaises, palettes pour construire des tables… Je récupère tous les matériaux possibles pour aménager », prévient-elle. Elle compte aussi créer une terrasse. Si la Padaf obtient une habilitation pour recevoir du public, même les personnes extérieures pourront goûter sa cuisine du monde. « Ce sera bio au maximum, souligne-t-elle. On pourra y accueillir des artistes locataires pour exposer ou jouer de la musique. Ce sera à l’image du lieu. » Une ouverture synonyme de nouveau départ. Après un licenciement économique, cette ancienne graphiste a suivi une formation d’un an chez Ferrandi, récompensée par un CAP cuisine. Le nom de son restaurant n’est pas encore arrêté. C’est sûr, il fera référence au orange, la couleur qu’elle porte toujours. « On me surnomme Miss Orange », lance-t-elle, dans un grand éclat de rire.
L'insertion par la main verte
Le moteur des taille-haies recouvre celui des voitures, en ce glaçant matin de février. Les neuf salariés à la tenue jaune de l’association Espaces taillent un talus sur un terrain municipal, en bordure de la rue du Pont de Pierre. Sécateur, râteau, fourche, balais… Un outil en main, chacun brave le froid pour regrouper les branches, les découper avant de les charger dans le camion. Peu avant midi, l’équipe prendra la direction de la déchetterie, où les végétaux seront broyés pour en faire du paillage.
Parcours semé d’embûches
Cette association, membre d’Emmaüs France, a passé une convention avec la Ville pour entretenir 14 ha d’espaces verts sur la commune, dont l’ancien cimetière. Espaces a la particularité de pratiquer « l’insertion par l’écologie urbaine », comme son slogan l’indique. Autrement dit, les 14 salariés employés sur le chantier d’insertion d’Antony ont connu des parcours semés d’embûches : certains sont des réfugiés, d’autres sont orientés par la Mission locale ou par le Service pénitencier d’insertion et de probation. Alex, discret travailleur de bientôt 60 ans, a été orienté par Pôle emploi après un an et demi de chômage. « J’ai travaillé 22 ans dans la restauration à Paris. Je découvre ce nouveau métier qui me plaît car j’aime être au contact de la nature », expliquet- il. Cet habitant d’Antony entame son deuxième contrat de huit mois. Chacun peut en cumuler trois avant de voler de ses propres ailes. Pour y parvenir, les salariés bénéficient d’un accompagnement par une conseillère en insertion. Le dispositif fonctionne : parmi les 14 salariés qui ont terminé leur expérience en 2018, 40 % ont retrouvé un emploi durable, en CDD ou CDI.
L'ESS à Antony
- Ma p'tite échoppe : www.maptiteechoppe.fr - 210 rue Adolphe-Pajeaud - 09 87 71 10 61.
- Plateforme des acteurs de demain : www.plateau-urbain.com - 01 79 75 66 57
- Association espaces : www.association-espaces.org - 01 55 64 13 40.
- Antraide : services à domicile pour particuliers et employeurs. antraide.com - 1 place Auguste-Mounié - 01 46 66 32 33.
- La table de Cana : entreprise d’insertion par l’activité de traiteur - latabledecana-antony.com - 5 avenue Maurice-Ravel - 01 55 59 53 53.
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