Classes de Mesdames Cormier et Malpiece - Ecole André Pasquier -
Kerjouanno le 16 mars
Ouf ! Les giboulées tant attendues sont enfin arrivées aujourd’hui. Une douche, puis un coup de sèche-cheveux froid, puis une autre douche… on s’impatientait ! Ciel gris, bleu, gris bleu… L’Océan devient argent liquide puis passe au plomb, s’attarde peu de temps sur le vert de gris espérant l’émeraude puis redevient plomb.
Hier les moussaillons embarquaient à bord du « passeur des Îles » pour une virée en bateau dans le Golfe du Morbihan. Louvoyage entre les îles désertes habitées seulement par des oiseaux marins, à tirer des bords entre les îles privées où la maison du propriétaire reste volets clos. Escale sur l’Île Aux Moines pour appréhender l’architecture bretonne, petites maisons de pierres au toit de chaume, jardinets entretenus, hortensias en veilleuse. Ils en ont pris plein les mirettes les moussaillons. Une après-midi « youpi » les attends cet après-midi. Il faut refaire les valises, inventaire en main ! Tout rassembler, ne rien oublier, fouiller partout, y compris dans les classes. Il est vrai que les pirates se sont sentis comme chez eux… alors il y en a partout, les heures du joyeux désordre sont comptées.
Chers parents votre calvaire prend bientôt fin. Sous les hourras de la foule en délire demain soir, vous récupérerez vos jeunes novices de retour de campagne maritime dans ce lointain pays qu’est la Bretagne, cette « impasse » géographique qui ouvre sur tellement de beautés, de savoirs… sans chauvinisme aucun. Tout l’équipage de Kerjouanno a été ravi d’accueillir vos pirates. Nous leur souhaitons bon vent ainsi qu’à vous-même en vous remerciant de votre confiance. Kenavo !
Kerjouanno le 14 mars 2018,
Un ciel tout bleu régnait sans partage hier jusqu’en fin d’après-midi. Et puis il a décidé de partager. Alors les nuages, trop heureux de cette aubaine, de cette fortune se sont installés de façon gourmande et à leur tour sans partage dans les cieux. Telle une couette en duvet, ils couvrent toute la surface du baldaquin.
Les moussaillons se cultivent toujours autant ! Ces deux derniers jours nous les avons regardés partir au musée des vieux métiers et des traditions puis le lendemain ou la veille, c’est suivant que l’on soit bâbordais ou tribordais, se munir de crayons, de gommes, de papier, d’un support rigide pour la feuille. Aiguiser son regard comme on affûte, on taille un crayon de bois dans une lecture de paysage. Il y a bien des lectures publiques de poésie, pourquoi n’y aurait-il pas des lectures de paysages ? Et en quoi cela consiste-t-il ? Lire un paysage : énumérer, comparer, distinguer, différencier… Mais également le temps de se situer dans l’immensité des diversités. Quand on a huit ans, on peut tout apprendre, il faut juste de la patience.
Cet après-midi,, les pirates retournent à Vannes. L’occasion de visiter la vieille ville de faire un saut dans le passé, d’emprunter les ruelles tortueuses balisées par des maisons à pans de bois. De voir la flèche de la cathédrale surgir au-dessus des toits d’ardoises, de longer des remparts protégeant il y a fort longtemps la ville.
Les moussaillons vous embrassent bien fort. Vite fait bien fait car ils n’ont pas que ça à faire. Il faudra vous en contenter car ils sont fort occupés à grandir, à acquérir des savoirs et cela réclame toute leur attention. Soyez forts, tenez bon la rampe, ils rentrent bientôt ; ils chuchotent à votre oreille : « encore trois dodos… », et retournent à leur devenir.
Ar wech’all !
Kerjouanno le 12 mars
Dimanche ne fut pas à l’image du samedi et lundi n’est pas à l’image du dimanche. Dimanche était légèrement pluvieux tandis que samedi le fut moins alors que lundi n’a pas l’air de l’être mais faut voir. Ce qui est sûr c’est que nous attendons un peu de vent. Les températures se radoucissent mais on supporte toujours bien le bonnet.
Samedi les moussaillons se sont rendus à Vannes (Gwened en breton, ce qui pourrait se traduire en « ce qui est blanc »). Visite de l’aquarium de Vannes pour voir en plus grand ce que les moussaillons ont sous les yeux, dans leur classe.
Dimanche. Ah le dimanche ! On se lève plus tard mais sans traîner non plus. Il n’y a pas école. On en profite pour opérer un petit rangement dans les tiroirs. On joue également, dans les chambres, c’est vrai qu’on y est pas si souvent que ça. On trainasse un peu, on jette un œil dehors, il pleut… un livre fera l’affaire. Sur le lit, on s’isole en lisant son courrier, on souffle un peu.
Puis arrive le midi. Ce fut poulet frites. Il ne reste rien, les plats sont aussi vides que les caisses du royaume. Il va falloir lever de nouveaux impôts.
L’après-midi les moussaillons se sont transformés en pirates sanguinaires, cruels et farouches, impitoyables et inflexibles. Oui, il fallait l’être car pour trouver un trésor il faut être sans pitié, ne pas hésiter de sortir le sabre et de faire parler la poudre… surtout pour des « bonbeks », faut pas plaisanter avec ces choses-là. Le soir est venu, la nuit est venue, les têtes se sont posées sur l’oreiller en même temps que des ronflements sonores faisaient trembles les cloisons. Oui, les enfants aussi ronflent.
La seconde semaine débute, habitués les pirates vous envoient des bisous de pirates aussi sonores que des cornes de brumes, aussi éclatants que des abordages ! Ar wech’all !
Kerjouanno le 9 mars
Des éclaircies, de la pluie, des éclaircies, de la pluie. Le vent a décidé de ne pas se mêler de cette bagarre, il est absent, soupire quelquefois, juste un petit zéphir de circonstance. Du gris, du bleu, du gris du bleu. Chacun des protagonistes défend ses couleurs. Le monde s’impatiente, il poste des guetteurs en charge de surveiller l’arrivée du printemps qui se fera certainement encadré par une haie d’aubépines en fleurs. Mais ce n’est pas encore l’heure.
Posture du scientifique ! Les moussaillons, bâbord et tribord adoptent la posture du scientifique en demi-groupe classe dans notre laboratoire, le « Nautilus ». Les jeunes mousses boivent les paroles de Cécile qui disserte avec passion sur le vivant, de la plus grosse bête à la plus petite, et parle du végétal également. Ces organismes vivant qui sont invisibles et sans lesquels nous ne serions pas, nous, l’humanité. Ces organismes vivant que les moussaillons s’apprêtent maintenant à observer avec nos microscopes, ces organismes vivant qui bougent, projetés sur notre grande télévision filmés par une caméra fixée sur l’un de nos binoculaires. Chut !!!! Faites silence… marchez sur la pointe des pieds, bloquez votre respiration. Laissez venir… Les moussaillons travaillent, manipulent, s’extasient, froncent les sourcils, s’interrogent, réfléchissent, classifient… Voyagent, apprennent. Et nous, nous conscientisons ces splendides mousses avec grand bonheur, pour le plus grand bien de l’humanité !
Ainsi s’écoulent les jours ici sur le navire Kerjouanno. L’étrave trace sa route dans l’écume des jours, le sillage s’éloigne, s’efface… Les jeunes matelots confient au vent d’ouest pléthore de bisous, ils vous arriveront bien un jour. Ar wech’all !
Kerjouanno le 7 mars
C’est un ciel noir sans état d’âme qui plombait et surplombait hier la Bretagne. Peut-être une vengeance personnelle de la pluie qui après le froid sibérien a voulu remettre les pendules à l’heure et souligner qu’ici doit régner le climat océanique. Magnanime, la pluie n’a cessé son long monologue que pour laisser passer les moussaillons le temps d’une sortie l’après-midi. Toutatis veillerait-il sur nous ?
Les moussaillons n’en ont cure de ce déluge. Croyez-vous que ces pluies leur feraient rouiller leur moral en inox ? Ce serait bien mal les connaitre ! Et puis aujourd’hui, il fait beau ! Mardi les Bâbordais suivaient sur la plage le jeu de piste de l’Océan qui laisse abandonnés sur le sable en une ligne courbe les algues arrachées de leur rocher, les petites carapaces de crabes, les plumes des oiseaux de mer mais aussi d’abominables déchets que les humains dans leur totale inconscience jettent à tort et à travers pensant ainsi se débarrasser de ce qui les embarrasse. Pauvres innocents. Lire la laisse de mer c’est lire notre avenir et notre façon de nous comporter ; les moussaillons apprennent.
Les tribordais quant à eux, solidement plantés dans leurs bottes se penchaient sur l’estran à la recherche d’animaux marins, de ceux qui sont capables à la fois de vivre sous l’eau et sans eau le temps d’une marée et de ceux qui ne supporteraient pas de rester sans eau. Ils pêchaient. Captures. Captures d’animaux qui passeront quelques jours dans l’aquarium de la classe afin d’être étudiés sous toutes les coutures, sous tous les angles. Les moussaillons auront à la fin du séjour la noble tâche de rendre à ces fantastiques bestioles leur liberté. Ici, on respecte le vivant. Mercredi, nous inversons, bâbord fera ce qu’a fait tribord et tribord bâbord… Vous suivez ?
Les moussaillons pensent qu’il vaut mieux qu’ils vous envoient des bisous. Ce sera mieux pour vous. Vous tiendrez mieux le choc après cette douloureuse séparation. Alors de bonne grâce ils s’exécutent ! Ar wech’all A bientôt en breton…
Kerjouanno le 5 mars
Et voilà ! 13h25, cinquante moussaillons sortent en trombe du car pour investir le navire Kerjouanno ! Les jambes ne tenaient plus en place, ils eurent besoin de courir, de respirer un grand coup, de cavaler... ils l’ont fait ! Ensuite, les cinquante garnements sont partis atomiser et expédier au plus profond des estomacs un bœuf bourguignon qui mijotait bien sagement depuis le matin dans nos chaudrons sous l’œil avisé de l’un de nos cuisiniers.
Puis ils sont montés à l’abordage des bâtiments. Les élèves de Mme Malpièce à tribord, « les tribordais » et les élèves de Mme Cormier à bâbord, « les bâbordais ». Une fois les atours, les effets, les vêtements, les habits, les toilettes, les équipages, les mises et les tenues, les affaires, les défroques, les trousseaux, les oripeaux et les livrées soigneusement rangés à la va-vite, les pirates iront saluer cérémonieusement l’Océan. Regards fixés sur l’horizon prometteur des plus belles aventures marines et scientifiques dans un apprendre à vivre ensemble qui fera la richesse de leur sociabilité. Ah ! Quel merveilleux centre de classes de mer que nous avons là !
Les pirates espèrent que leurs parents désemparés n’ont pas de coup de cafard, que les larmes du départ ont cessé de couler, que les rivières de pleurs sont maintenant asséchées. Ils vous embrassent bien fort en vous souhaitant d’être forts et courageux, c'est pour la bonne cause qu'ils disent ! Ar wech’all !